Dans un avion, le jus d’orange ne sent pas l’orange
Je vous ai déjà parlé du jus de tomate? Et bien, maintenant c’est le temps de vous parler du jus d’orange!
Pour la plupart des agents de bord, servir du jus de tomate est une activité répugnante, désagréable voire horrifique! Les raisons de cette aversion, je vous les ai déjà expliquées dans mon tout premier article. Je vous laisse donc le lire pour tout comprendre. Là où je veux en venir, c’est qu’en comparaison au jus de tomate, le jus d’orange nous répugne tout autant, mais pas pour les mêmes raisons…
En réalité, le jus d’orange est la boisson idéale pour une hôtesse de l’air. Il est facile et rapide à servir. Beaucoup de gens en boivent et nous en avons toujours à bord. De plus, nous n’avons pas besoin d’y ajouter des glaçons. Donc, pas de deuxième étape à franchir et pas de temps de perdu. Bref, si ce n’était que de moi, il n’y aurait que du jus d’orange dans l’avion! Maintenant, vous vous demandez sûrement pourquoi le jus d’orange nous répugne autant alors?
Et bien, ce n’est pas le jus d’orange en lui-même qui nous dégoûte mais ce qu’implique le moment de le servir. Je m’explique.
La société est routinière. Pour une grande majorité, vous vous levez le matin et prenez le petit-déjeuner. Ensuite, vous allez travailler. Ensuite, vous dînez ou (déjeunez) et allez travailler. Ensuite, vous soupez. Ensuite, vous vous amusez un peu. Ensuite, vous dormez. Et ça recommence le lendemain.
Pour chaque étape de la journée, des éléments reviennent généralement d’un jour à l’autre afin d’apporter un peu plus de stabilité dans votre vie. Le jus d’orange fait partie de l’un de ses éléments récurrents du petit-déjeuner qui, lorsque consommé, rappelle le lever du soleil et la belle journée qui commence! 🙂
Lorsque vous voyagez vers l’est, disons en Europe, votre routine sera perturbée sans aucun doute. Vous allez traverser quelques fuseaux horaires et à votre arrivée à destination, votre corps sera déboussolé. Pour aider votre adaptation, les compagnies aériennes proposent pour la plupart une sorte de routine une fois à bord. Comme la majorité des vols vers l’Europe depuis le Canada partent généralement le soir, nous pouvons suivre votre train-train quotidien: souper/dodo/petit-déjeuner.
Par conséquent, après le décollage, nous vous offrons le plus tôt possible un repas. Nous essayons de terminer nos services rapidement afin de vous laisser dormir. Légèrement rassasié, vous vous endormez. Certains passagers bougent alors sans arrêt, d’autres se lèvent à chaque heure pour nous demander quelque chose ou certains dorment vraiment.
Au bout d’un moment, c’est le quasi-silence. Tout le monde ronfle. Les enfants ont le cou mou et tordu. Les femmes sont étendues sur leurs maris et les maris ont la bouche pendue jusqu’aux oreilles.
Nous traversons alors l’Atlantique. Les heures de vol s’écoulent peu à peu et le soleil se lève déjà à l’horizon. Nous, hôtesses de l’air, parlons et marchons dans les allées pour voir si tout va bien. Les gens dorment encore. Les hublots fermés, un filet de lumière traverse la cabine. C’est déjà le matin. Pourtant, il fait nuit à Montréal. Nous atterrirons dans moins de deux heures. Voilà déjà le temps du petit-déjeuner!
Je sais que vous êtes fatigués mais pour s’accoutumer rapidement mieux vaut s’adapter aussitôt à l’heure du pays!
Hôtesse de l’air: « Mesdames et Messieurs, il est 9h à Rome et nous atterrirons dans maintenant 1H45 minutes. Dans un instant, nous passerons dans les allées pour vous offrir un petit-déjeuner accompagné de jus d’orange, café et thé. Si vous voulez manger, s’il vous plaît, veuillez abaisser votre tablette. Merci et bon matin!»
Le jus d’orange sera bientôt servi. Sous peu, nous circulerons dans les allées et votre réveil se fera indéniablement. Nous allons nous aventurer dans cette cabine remplie de passagers, qui, il y a quelques minutes, dormaient à point fermé depuis quelques heures. Nous devons le faire. Nous en sommes obligés!
Pour vous offrir votre jus d’orange, nous irons à votre rencontre. Quelque trois cents passagers attendent, comme vous, le ventre vide. Le dernier repas remonte à il y a quelques heures. Et vous qui s’étiez endormi sans même vous brosser les dents. Et que dire de vos trois cents voisins qui se réveillent également dans cette même seconde?!
Tous sont là, la bouche ouverte, prêts à engloutir un jus d’orange et une petite brioche.
À cet instant, au moment de servir votre jus d’orange, la cabine s’imprègne d’une odeur chaude, suffocante et répugnante. C’est l’odeur du matin qui nous envahit. Je suis attaquée!
Ça y est, dans l’avion, le jus d’orange ne sent assurément pas le jus d’orange!
Écrit par Elizabeth LandryElizabeth Landry est agente de bord et une vraie passionnée des voyages et des sports nautiques. Elle partage son temps entre Cabarete en République Dominicaine, le Québec et les airs. Elle dirige le blogue L’Hôtesse de l’air depuis 2010 et a écrit trois romans à succès du même nom. Sa boutique #FLYWITHME vous fera voyager à travers le monde !
|
Leave a comment