La guerre des DING
Comme agent de bord, certains éléments nous irritent lorsque nous travaillons. Il y a en a qui détestent ramasser les plateaux vides par exemple, alors que d’autres, ne bronchent pas pour un plateau, mais sautent plutôt un plomb si les verres ramassés sont à moitié remplis de liquide… (C’est si difficile que ça finir son minuscule verre d’eau?) De mon côté, j’ai besoin de le dire: c’est le DING qui me rend folle.
Certains appareils sont munis d’un bouton d’appel fixé au-dessus des sièges. Il est rouge et pour l’enclencher, il faut lever le bras, s’étirer et presser. Lorsque l’un s’enclenche, comme la tâche est plus difficile à accomplir pour le passager, sans nul doute, une requête m’attend. Je me rends donc auprès du passager, le regarde et inévitablement, il me fait sa requête. Je ne bronche pas, car il avait effectivement besoin de quelque chose: un verre d’eau, un stylo, un conseil. Jusque-là, tout va bien.
L’irritation arrive ailleurs. Dans un autre contexte. Dans un autre type d’appareil. Là où rien n’est vraiment évident pour le passager et où le siège semble être un vrai piège à presser le bouton. À ce moment, j’en veux aux designers d’intérieur d’avion qui, de toute évidence, n’ont jamais eu à éteindre ce DING interminable et qui ont sûrement pensé:
« On va mettre le bouton d’appel accessible pour faciliter la tâche au passager». Résultat: 90 % du temps, le DING est enclenché par erreur et l’hôtesse, consciente du phénomène, tarde maintenant à se pointer le bout du nez pour neutraliser le bouton. Voyons voir.
1. Le design des boutons sur le dessus de l’accoudoir.
Quelle superbe idée d’installer le bouton d’appel sur le dessus de l’accoudoir tout près du passager. Bien sûr, il peut enclencher ledit bouton au besoin pour nous faire venir et nous demander quelque chose. Le hic c’est qu’il ne sait même pas ce que le petit bonhomme signifie et la première chose qu’un passager fait en s’asseyant à son siège c’est de toucher à tout.
Il touche au bouton pour le son, à celui de la musique et à celui qui fait DING, DING. Il ne réalise pas que ce DING c’est lui qui le fait en pressant sur le bouton alors il recommence. DING! DING! DING! L’avion en entier entend le son produit en posant son doigt sur le bouton mais encore là, il n’associe pas le doigt qui se pose sur le petit bonhomme et le DING qui s’en suit. Il recommence jusqu’à ce que j’arrive en trombe.
L’hôtesse de l’air: « Que se passe-t-il monsieur? Y’a-t-il une urgence? Tout va bien?»
Et le passager de répondre: «Hein?»
De toute évidence, aucune urgence. Ce n’est que l’embarquement.
2. Le design du bouton sur l’accoudoir pour Monsieur Bébé.
La différence entre un bébé/enfant et le passager c’est que l’enfant entend effectivement bien le DING en pressant sur le bouton. Par contre, lui, il aime ça! Il va continuer de presser sur le bouton non pas parce qu’il cherche le son de la musique mais bien parce qu’il adore entendre un DING en réponse à ses actions. Il apprend à interagir avec ses alentours. C’est magique de m’en savoir faire partie!
3. Le design du bouton sur le côté de l’accoudoir
Là, les designers s’y sont donnés à coeur joie en matière de design. Pourquoi mettre les boutons sur le dessus de l’accoudoir? Ce n’est pas esthétiquement soigné! La console devrait plutôt être dissimulée sur le côté de façon à ce que personne ne la voie et que le passager l’accroche amplement, à son insu, et ce en demeurant quasiment immobile sur son siège durant tout le vol.
Ainsi, le passager enclenche le bouton sans le vouloir, sans le savoir, sans même s’en douter. On entend DING! DING! Il décide de croiser les jambes. DING! encore. Il les décroise. DING! DING! encore. Quelques secondes plus tard, un autre passager revient des toilettes. Celui-là par contre est un peu plus en chair. Il prend place et accroche le bouton. DING! DING! Une mélodie de DING! s’en suit.
Les agents de bord en pause se regardent. Qui va se lever pour aller éteindre le bouton et répondre au passager? C’est à mon tour…
GRRR! Je mange mon pain. J’ai faim. J’entends encore DING! DING! Une urgence? Sûrement pas! Mais ce DING me rend effectivement folle. Je veux manger en paix alors je ne tarde pas à me lever. Je m’avance dans l’allée. Je sais avec l’expérience qu’il n’y a pas le feu. Plus je m’approche de la rangée retentissante et plus j’observe avant de parler. Pas question que je me fasse prendre encore une fois lorsque j’éteindrai le bouton d’appel en disant:
L’hôtesse de l’air: «Vous avez besoin de quelque chose, monsieur? (car véritablement avec ce DING on dirait que c’est la panique!) »
Le passager qui réfléchit: « Ah! Justement! Je prendrais un verre d’eau à bien y penser!»
Non! Je ne demande plus. Je m’avance tranquillement. Je m’arrête au siège. J’éteins le bouton d’appel en regardant le passager. Il me regarde de ses gros yeux curieux mais ne parle pas. Il ne veut rien. Il se demande même qu’est-ce que je fais ici. Si tout va bien, je m’éclipse en un clin d’oeil, sans demande, sans rien.
Par contre, si j’ai affaire à un petit fouineur, j’aurai droit à:
Passager: « Qu’est-ce qu’il y a?»
L’hôtesse de l’air tout en sourire lui explique honnêtement: « Ah! Vous aviez enclenché le bouton d’appel, monsieur. Ce n’est pas grave.»
Passager: « Non! Non! Je n’ai rien enclenché! Ce n’est pas moi! »
L’hôtesse de l’air: —————————————- (Silence)
Ça va. Je vous crois. Pour le reste, mon pain m’attend. De retour à mon coup de fourchette, qu’est-ce que j’entends?
DING! DING! DING!
Écrit par Elizabeth LandryElizabeth Landry est agente de bord et une vraie passionnée des voyages et des sports nautiques. Elle partage son temps entre Cabarete en République Dominicaine, le Québec et les airs. Elle dirige le blogue L’Hôtesse de l’air depuis 2010 et a écrit trois romans à succès du même nom. Sa boutique #FLYWITHME vous fera voyager à travers le monde !
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