Scarlett et le Boeing 737
Chers passagers,
Certains d’entre vous, pour fuir l’hiver, s’envoleront bientôt vers les chaleurs du Sud. Si c’est le cas, il y a de fortes chances que vous montiez à bord d’un Boeing 737. Un appareil qui, au contraire des pilotes (voir le vidéo ci-bas) ne plaît pas autant à Scarlett. Petit extrait de mes dernières semaines de rédaction de L’Hôtesse de l’air Tome 3.
(Scarlett vient d’apprendre qu’elle vole pour la première fois sur le 737.)
J’ai repoussé cette journée pendant trois mois en inscrivant ÉVITER 737 sur mon horaire.
La nouveauté ne m’effraie pas. C’est plutôt l’appareil qui ne me dit rien. Pour une hôtesse de l’air, il se situe à l’antipode du glamour. Pas d’endroits où se cacher. Une seule allée. Des mouvements de chariots répétitifs et obligés pour permettre aux passagers d’accéder aux toilettes. Des groupes de mariés, des gens bourrés. J’en ai tellement entendu parler que j’en ai la chair de poule. Ce jour allait inévitablement arriver, mais si j’avais pu, j’aurais repoussé cette journée pendant ma vie entière.
- Scarlett ?, m’interpelle la directrice.
- Oui ?
Je sors de ma rêverie.
- C’est à toi.
- À moi ?
- Ta position. Tu es la première à choisir.
- Euh, hésitai-je.
Je ne sais que répondre, car je ne me souviens plus de qui fait quoi sur cet avion. Ma nervosité m’en a fait perdre mes facultés cognitives. À oui, ça me revient !
- L-2 A !, annonçai-je contente d’avoir sauvé la face.
(extrait retiré)
Je n’en fais pas de cas. À la place, j’essaie d’être pratique et de me remémorer ce qu’implique ma position. Je sais au moins une chose : je serai assise du côté gauche dans la queue de l’avion. Pour le reste, je ne suis plus sûre. Avant de me diriger à l’arrière, j’interpelle Cloé, la directrice pour qu’elle me fournisse de plus amples détails.
- Tu fais le service de bar et de repas.
- Ah ok. Juste ça ?, demandai-je soulagée.
- Ben tu sais aussi que tu dois breffer les passagers assis aux fenêtres de secours ?
- Bien sûr !, mentis-je pour ne pas avoir l’air d’une incompétente.
Des perles de sueurs brillent sur mon front. Évidemment, mes collègues plus juniors ont dû se réjouir quand, grâce à mon ignorance, la plus sénior de l’équipage, en l’occurrence moi, a choisi la position la plus indésirée des quatre. Un avertissement aurait été apprécié. « Bel esprit d’équipe ! », m’offusquai-je. Je m’emporte. C’est ma faute. J’aurais dû demander dès le début un résumé des tâches.
Je prends ma pilule et poursuis mes vérifications prévol. Je confirme ensuite par une signature qu’elles ont été effectuées et retourne à l’arrière.
- L’embarquement a été lancé, annonce la chef de cabine via l’interphone.
Je me poste en milieu de cabine, là où ma présence est requise en tant que L-2 A. J’observe mon environnement en tentant de m’y habituer. Les compartiments à bagages se referment différemment de ceux que j’ai l’habitude de voir. Une seule allée traverse l’avion de long en large. Même les hublots semblent prendre une forme unique. Je me sens déboussolée. Mon spacieux bureau s’est métamorphosé en quelque chose de plus effilé et exigu.
- Mon siège est ici, m’annonce un passager.
- Oh ! Pardon, dis-je en me déplaçant dans la rangée suivante.
Pour passer le temps, je récite en silence les explications que je devrai fournir aux passagers assis près des fenêtres situées au-dessus des ailes.
Un : en cas d’évacuation, êtes-vous volontaire pour ouvrir les sorties d’urgence ? « Vous feriez mieux de me dire oui », pensai-je.
Deux : Avant d’ouvrir, vous devez vérifier que la sortie est utilisable. « Traduction : il y a t-il du feu sur l’aile, de l’eau, des débris ? J’espère que vous serez encore vivants pour pouvoir le savoir. »
Trois : Le plus important. Comment ouvrir cette foutue fenêtre ? Retirez le couvercle protecteur et tirez sur la poignée supérieure vers l’extérieur et vers le haut. Euh…Serait-ce plutôt vers l’intérieur et vers le bas ?
- Désolé Madame, je suis assis ici, m’apprend un autre second en me désignant son billet d’embarquement.
- Oh ! Pardon, répétai-je en me déplaçant à nouveau dans une rangée libre.
Ou en étais-je ? Ah oui ! La poignée ! Tirez en haut ou en bas ? « Dans le fond, pensai-je, si ça ne marche pas par en haut, ils n’auront rien qu’à tirer par en bas. Je vais m’en tenir au principal », me conseillai-je avant de me lancer dans ma tentative officielle d’explications.
Je remonte l’allée, enfin, je tente de remonter l’allée. Pardon par-ci et pardon par là, je n’avance guère dans la bonne direction. Le couloir est si étroit qu’il n’y aucune bretelle de dégagement. Une collision assurée lorsque l’un s’engage dans ce sens unique. J’abandonne.
- Et merde c’est quoi cet avion !, me lamentai-je à Diane en atteignant la « semblant » de galley à l’arrière.
- C’est l’avion le plus vendu au monde, m’annonce-t-elle tout bonnement.
Comment elle sait ça ? Diane, la perdue et l’insomniaque est aussi cultivée ?
(Extrait retiré)
Quoiqu’il en soit… Bon vol!
Écrit par Elizabeth LandryElizabeth Landry est agente de bord et une vraie passionnée des voyages et des sports nautiques. Elle partage son temps entre Cabarete en République Dominicaine, le Québec et les airs. Elle dirige le blogue L’Hôtesse de l’air depuis 2010 et a écrit trois romans à succès du même nom. Sa boutique #FLYWITHME vous fera voyager à travers le monde !
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