L’Anecdote de Monsieur HighTech, pilote mais pas pilote…

La culture c’est comme la confiture. Moins on en a, plus on l’étale. 

 - Françoise Sangan

C’est souvent l’impression que j’ai dans un avion. Des Ti-Joe Connaissants, j’en rencontre… tout le temps. Un bruit se fait entendre sous le plancher après l’atterrissage. « Ah Ben, c’est la porte du cargo qui s’ouvre » explique un homme à sa femme.

Bien sûr, il connaît ça lui… Ce ne serait pas plutôt les pompes hydrauliques qui s’ajustent ? Je me garde bien de le corriger. Tsé il ne faudrait surtout pas qu’il perde la face devant sa dulcinée. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour sauver l’ego d’un homme !

Dernièrement, j’ai rencontré un gros modèle de Joe Connaissant. Un plus élaboré. Un Hightech. On le croit presque. Sa blonde doit se dire « Ah que j’ai un bon chum qui en connaît des choses! »

J’ai fait la connaissance de Monsieur HighTech lors d’un retour de vacances. J’étais habillée en uniforme avant l’embarquement comme la procédure l’exige lors des voyages stand-by. Comme j’attendais dans l’aire d’attente, il est venu me voir. C’est certain qu’habillée en uniforme, je suis souvent la proie aux questionnements. Une minute avant on m’avait abordée pour savoir s’il y avait un lounge dans ce mini aéroport républicain. Aucune idée ! Première fois ici…

Bref, Monsieur HighTech et Madame Mini HighTech m’abordent:

« Heille, on doit ben avoir une petite demi-heure avant l’embarquement ? Le temps qu’ils fassent le ménage… »

Comme les passagers du vol d’aller avaient presque terminé de sortir de l’avion, j’ai calculé rapidement dans ma tête. Une demi-heure maximum.

« Oui plus ou moins, leur dis-je. Mais n’allez pas trop loin … »

« Ah ben on veut juste aller prendre un autre verre avant d’embarquer » qu’ils me disent.

Juste pour votre information :

80% des accidents aériens arrivent 3 minutes après un décollage et 8 minutes avant l’atterrissage.

Mais pourquoi ne pas se saouler juste avant de partir, vous aurez tous vos moyens pour évacuer rapidement…

Bien sûr, je me garde encore de lui émettre mes pensées. Ma mimique faciale lui suggère de toute évidence qu’il reconsidère sa dernière demi-heure au sol.

« Ouin, on est en Première… on prendra du champagne une fois dans l’avion », rectifie-t-il.

Un point pour vous Monsieur HighTech !

L’embarquement commencé, j’ai l’autorisation d’aller me changer. Je retire mon uniforme et j’ai aussi la chance de bénéficier d’un siège en Première. Je me sens choyée. J’adore ma compagnie que je me dis.

À ma non grande surprise, Monsieur HighTech et Madame Mini HighTech sont assis derrière moi.

Ils remarquent que je suis là. Nous jasons gentiment.

« Je suis tombée en amour avec Cabarete ! » leur confiai-je.

L’homme sourit. Lui aussi aime cet endroit, mais lui, il connaît encore plus ce coin-là que tout le monde.

« Je l’avais dit à ma blonde qu’elle aimerait Sosua. J’ai un condo moi là-bas. J’y vais tout le temps moi. Avant on voyageait en économie, mais là on se gâte ! Au moins sur ce Boeing là, on est bien assis. »

« C’est un Airbus cet avion-là», précisai-je.

« Ah… »

J’entends une mouche voler. Changement de sujet.

Un peu plus tard, l’un de mes collègues passe dans l’allée. Je le salue. Comme il suit ses cours de pilotage, je prends de ses nouvelles.

« Ah c’est super ça ! Tu as presque fini et tu pourras commencer à travailler bientôt comme pilote ! »

Monsieur HighTech s’immisce dans la conversation.

« Ben oui, tu as passé ta license privée? »

« J’ai presque fini ma license commerciale », corrige mon collègue avant de retourner à ses occupations.

Dernière moi, j’entends mon Monsieur fournir à sa blonde des précisions:  « Ah oui c’est ça une licence commerciale c’est environ 150 heures de vol avant de pouvoir travailler et après

Elle semble impressionnée par ses connaissances.

Je mets mes écouteurs. Ma bulle commence à grossir.

- Groenland

Deux heures plus tard

Le vol se déroule bien jusqu’à maintenant. Puis, on frappe de la turbulence.

De la bonne turbulence…  Sans vouloir faire ma Joe Connaissante, croyez-moi, je sais faire la différence LOL!

Je me réveille et je retire mes écouteurs pour entendre l’annonce faite par le commandant.

Monsieur HighTech pendant ce temps s’agite. Il doit avoir peur, mais il refuse de le montrer. Il préfère plutôt donner des conseils au pilote.

« Ben voyons ! Monte de 1000 pieds ! Monte de 1000 pieds ! »

Il parle fort. De toute évidence, lui, il sait comment calmer cette turbulence. Monter de 1000 pieds, voilà la solution au problème. C’est certain que le pilote s’il peut nous sortir de la turbulence, il va préférer nous laisser direct dedans …

« Monte de 1000 pieds voyons donc ! » que j’entends encore.

J’ai préféré retourner avec Clean Bandit et son BABY en m’assurant de monter le son au maximum.

Après l’atterrissage

Une fois atterrit, Monsieur HighTech m’aborde à nouveau.

« Heille, ça bougé pas rien qu’à peu près ! »

Je confirme. On s’est fait brasser.

« Je l’avais dit à ma blonde qu’à peu près deux heures après le décollage, on allait rencontrer de la turbulence. C’est toujours de même sur ce vol-là. »

Je souris. Si Monsieur HighTech le dit, c’est que ça doit être vrai.

En résumé, sur TOUS les vols de POP, à exactement 2 heures 36 minutes après le décollage, on frappe toujours de la turbulence à une altitude de 35 000 pieds.

TOUJOURS! SANS EXCEPTION!

Curieusement, après toutes ces années à rencontrer cette grosse turbulence, on n’a jamais pensé prendre une route différente. Bizarre non ? Ça doit être qu’on aime ça se faire brasser. Ben oui, ça doit être ça !

Écrit par Elizabeth Landry

Elizabeth Landry est agente de bord et une vraie passionnée des voyages et des sports nautiques. Elle partage son temps entre Cabarete en République Dominicaine, le Québec et les airs. Elle dirige le blogue L’Hôtesse de l’air depuis 2010 et a écrit trois romans à succès du même nom. Sa boutique vous fera voyager à travers le monde !