Le Karma des délais
Je reviens d’un long courrier. Une semaine que je qualifierais d’interminable. Pas parce que les passagers étaient trop exigeants ni parce que l’équipage m’était antipathique, mais bien parce que ces derniers jours furent seulement, comme je l’ai dit: INTERMINABLES!
Délai #1 – YUL-PTY-YYZ
Tout a commencé à Montréal. L’itinéraire prévu nous faisait voler jusqu’au Panama pendant 5h56. Ensuite, une heure au sol et c’était reparti vers Toronto pendant 5h15. Bref, nous étions prévus pour effectuer deux allers vers Paris dans la même journée. Du gros plaisir de fatigue mais pour cela il fallait partir…
Les passagers une fois assis à leurs sièges, nous étions prêts à fermer la porte et décoller au plus vite. Malheureusement, il nous était impossible de le faire. Un problème mécanique? Une tempête de neige aveuglante? Non, pas de nourriture à bord… Apparemment, le fournisseur de chariots était occupé ailleurs. Tellement busy busy qu’il a pris 1h30 à venir!
Souvent, un délai en engendre un autre. Et nous voilà ainsi devant un autre problème: notre date d’expiration est arrivée à échéance. Car, il ne faut pas l’oublier, un équipage est constitué d’êtres humains, ces petites bêtes sensibles qui doivent à l’occasion dormir, manger et respirer. Pour cela, un temps limite en devoir a été établi. Si nous le dépassons et le savons avant de partir, nous devons être remplacés.
C’est ainsi que les spéculations commencèrent.
«Ils nous renvoient chez nous!» dit l’un.
«On va dormir au Panama!», dit l’autre en revenant de l’avant de l’appareil.
«Impossible! J’y croirai juste quand je serai rendue à l’hôtel», dis-je incrédule.
«Ils n’ont pas le choix. C’est ça ou ils mettent un autre trois heures de délai pour changer d’équipage», précise-t-il.
«On vient de me dire qu’il nous envoie directement à Toronto et on continue le reste de notre courrier», ajoute un autre.
Le jeu du téléphone arabe prend tout son sens dans un avion. Finalement, après un traité de «paie» conclu, nous nous envolâmes comme prévu, fîmes nos deux vols INTERMINABLES et arrivâmes à notre hôtel à Toronto après un peu plus de quinze heures au boulot.
Délai # 2 – YYZ – CUN – YQB
Lors du deuxième vol, après un repos de 24 h à Toronto, nous effectuions un vol vers le Mexique. Une fois atterris, nous sommes demeurés une heure au sol, sur la piste, à attendre que l’appareil qui occupait notre barrière puisse être redirigé ailleurs car il était bloqué au sol pour cause de bris mécanique. Lorsque nos nouveaux passagers ont embarqué finalement à bord, ils nous ont demandé:
«Il y avait une tempête au Canada? C’est pour ça que vous êtes arrivés en retard?»
Et non, même pas!
Délai # 3 – YQB-VRA-YQB
«Dring! Dring!», retentit le téléphone dans la chambre.
«Oui, allô?», répondis-je, les cheveux humides, tout droit sortie de la douche.
« Bonjour, ici Crew Sked. Il a un délai de 45 minutes sur ton vol.»
«Ok! », confirmai-je sans surprise.
Délai # 4 – YQB – PUJ – YQB
« Bienvenue à bord de ce vol vers Québec. Nous vous demandons de ranger vos bouteilles d’alcool sous les sièges et non dans les compartiments au-dessus de votre siège...»
La porte se fermera sous peu. Le vol d’aller s’est bien passé. Pas de délai. Les passagers sont sortis se faire dorer la couenne en République. J’ai pris du soleil sur l’herbe près de la piste. Soudain, Monsieur Pedro arrive. Les autorités aéroportuaires à Punta Cana soupçonnent un bagage suspect… Ils doivent retrouver la valise qui est devenue suspecte soudainement après l’avoir monté à bord. Rien ne fait de sens mais on doit suivre les instructions et s’y conformer.
Monsieur Pedro nous informe qu’on fouille dans le cargo. On cherche le bagage. Et puis, on ne le trouve pas. Ils décident alors de sortir tous les bagages du cargo et de les repasser sous les rayons X.
« Quoi? Ça va prendre combien de temps ça?», demande le commandant.
« One hour. Maybe two…», précise l’homme, sans la moindre émotion.
« Par intuition, j’opte pour la deuxième option…», m’exclamai-je, convaincue d’avoir le temps de feuilleter toutes les pages du magazine que j’ai récupéré sur le vol d’allée.
Résultat: Délai de deux heures pour un bagage qui était finalement sans danger. Disons seulement qu’on a évité de dire à tout le monde le nom du propriétaire de la valise retardatrice.
Délai # 5 – YQB- CUN – YUL
Désormais, plus rien ne m’étonne. Avec une belle avance de trente minutes sur notre horaire prévu, nous atterrîmes au bercail, après huit jours. Aie-je pu profiter de ce temps d’avance? Je vous laisse deviner! Un indice: il y avait un appareil à notre barrière…
Ah! J’oubliais! J’ai rapporté avec moi un ami: une belle grande grippe/laryngite 🙂 À revivre!
Écrit par Elizabeth LandryElizabeth Landry est agente de bord et une vraie passionnée des voyages et des sports nautiques. Elle partage son temps entre Cabarete en République Dominicaine, le Québec et les airs. Elle dirige le blogue L’Hôtesse de l’air depuis 2010 et a écrit trois romans à succès du même nom. Sa boutique #FLYWITHME vous fera voyager à travers le monde !
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