Le gros bon sens

Ça s’est passé dans une librairie récemment ouverte à Saint-Georges de Beauce. Je venais de faire trente minutes de voiture pour me rendre à un dîner et comme j’étais en avance j’ai décidé de faire un arrêt au magasin du coin.

J’avais l’une de ses envies et m’étant retenue durant tout le trajet, j’ai aussitôt demandé au commis où étaient situées les toilettes dans l’établissement.

« Oh, mais elles ne sont réservées qu’aux employés », m’a-t-il informé.

Je ne suis pas un enfant et je peux me retenir, mais ce jour-là, j’avais la vessie bien remplie alors j’ai insisté, même supplié, l’orgueil bien effacé.

Compatissant, il m’a incité à le suivre à l’arrière.

Comme il était gêné d’enfreindre la règle d’or, il a annoncé ma venue à l’employée qui s’affairait à ouvrir des boîtes dans le back-store.

« La dame a envie d’aller aux toilettes … » lui a-t-il dit.

J’ai avancé ma tête dans l’embrasure de la porte pour montrer mon visage, petit sourire timide.

« Ah non ! Ce n’est vraiment pas possible! s’est-elle offusquée. Cette toilette est pour nous, pas pour les clients. Si on commence à laisser tout le monde entrer, ça ne finira plus !

 

Le jeune homme m’a donc regardé et m’a lancé un beau « Désolé ».

Je suis restée bouche bée et je n’ai pas renchéri. Je suis retournée rejoindre les deux autres clients qui bondaient le magasin en ce jeudi matin très très achalandé.

Je n’ai pas eu le choix de quitter l’établissement. Disons que j’avais un bon litre de liquide à expulser de mon corps et que sincèrement, mon désir de faire des achats venait de s’envoler.

Puis, j’ai réfléchi. Si j’avais été prise d’une soudaine tourista, aurais-je été obligée de perdre ma dignité pour arriver à me soulager ? Ou si mes pertes féminines m’avaient surprise en plein magasin, aurais-je été obligée de leur montrer ma petite culotte pour prouver que j’avais besoin d’une toilette ?

Cette histoire m’amène à établir un parallèle avec une autre histoire que j’ai vécue dans l’avion.

CUN – YUL (Cancun – Montréal)

 

 

Nous étions en plein service au retour du Mexique.

Pour ceux qui voyagent souvent, vous devez savoir que sur les vols du Sud, nous vendons la nourriture, l’alcool, les grignotines, bref, tout.

J’étais assignée au chariot des sandwichs et je descendais l’allée en distribuant la nourriture aux bons preneurs.

C’est alors qu’une jeune femme assise à la fenêtre m’a interpellé.

« Est-ce que vous prenez la carte de débit ? »

Je lui ai informé que malheureusement non, que nous n’acceptions que les cartes de crédit.

C’est alors qu’elle m’expliqua la situation.

« Nous n’avons qu’une carte de crédit prépayée et les guichets dans l’aéroport n’acceptaient pas notre carte et nous n’avons pas mangé depuis trois heures. Mon fils a vraiment faim…  »

Désespéré et affamé, le mari de la femme a renchéri aussitôt.

« Si vous avez quelque chose qui reste, n’importe quoi, on va se le partager… »

La vie est remplie de règles et de lois à suivre. Mon ordre à moi était de vendre mes « délicieux » sandwichs.

Parce qu’une règle existe, il faut la suivre non? FAUX ! Des fois, il faut aussi utiliser son GROS BON SENS et son cœur !

J’ai nourri toute la famille ! Trois bons gros sandwichs pour nourrir un enfant de quatre ans et ses parents qui avaient mis de côté pendant une seconde leur fierté pour demander mon aide.

En suivant la logique de Madame Librairie, j'aurai donc dû répondre:

« Désolée, il ne reste que trois heures de vol, il va falloir endurer. Pas d’argent, pas de sandwichs! » ?


Un merci spécial à l’employé du Renaud-Bray pour m’avoir inspiré cette anecdote 🙂


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