Anouk rêvait d’être pilote. Un rêve qui vient d’être mis sur pause. Portrait d’une femme pilote qui doit se réinventer.

Cet article fait partie d’une série de portraits dédiés aux membres d’équipage ayant perdu leur emploi à cause de la pandémie.

 

Anouk, commandante en second sur un Airbus 330, travaille dans l’aviation depuis qu’elle a terminé son cours de pilotage il y a 24 ans. Arrêtée pour la première fois en carrière, elle a dû se réinventer. Portrait d’une femme pilote devenue chauffeuse de poids lourd et massothérapeute.

 

 

Anouk dans le poste de pilotage

 

Devenir pilote sur un gros porteur est un rêve qui demande beaucoup d’efforts avant d’y arriver, d’où te vient ce désir de voler?

En effet, ça m’a demandé énormément d’efforts, de compromis, de temps et d’études.

Mon père qui aimait les avions m’amenait voir des spectacles aériens et on s’assoyait dans les appareils.

J’étais en quatrième année du primaire quand j’ai écrit pour la première fois que je voulais être pilote d’avion.

Au secondaire, quand j’ai dit à la religieuse qui nous enseignait que je souhaitais être pilote, elle m’a répondu que ce n’était pas un métier pour les filles.

Malgré cela, j’ai décidé de poursuivre mon rêve et j’ai choisi d’aller étudier au Cégep de Chicoutimi qui offrait les cours de pilotage et qui acceptait les filles!

 

 

Qu’aimais-tu le plus de ton métier de pilote?

L’aventure! J’aimais beaucoup le style de vie que cette carrière me procurait et j’appréciais énormément mes collègues. C’est une grande famille. En sept ou neuf heures de vol, on a le temps d’apprendre à se connaitre.

Dans mes premières années comme pilote (je vole depuis 24 ans), je vivais beaucoup d’aventures au travail. Le nord et ses défis météo, entre autres, me procuraient un bonheur inexplicable. Les gens que j’ai côtoyés là-bas, mes collègues et surtout les Inuit, m’ont appris beaucoup. J’en garde un souvenir incroyable!

 

 

 

 

 

Anouk à ses débuts pour Air Inuit

 

À quoi ressemblaient tes journées de travail avant la pandémie?

Je travaillais environ douze jours par mois, entre 10 à 14 h de vol par jour.

Lors d’une journée typique, je faisais une sieste en après-midi puis je me rendais au travail vers 20h pour décoller vers 22h. Arrivée à destination le lendemain matin, je faisais une sieste à l’hôtel pour récupérer la nuit perdue et j’allais ensuite souper avec les collègues. Puis, dodo à nouveau pour être en forme pour le vol de retour.

L’aspect le plus difficile à gérer dans notre métier est la fatigue.

 

 

En route vers une destination du sud

 

Sur quelles destinations préférais-tu le plus faire escale et pourquoi? 

Ouf! C’est presque impossible d’en choisir une! Je les aime toutes!

Mes coups de cœur :
  • Prague pour son élément mystérieux.
  • Rome pour sa nourriture décadente et l’accent charmant de ses contrôleurs aériens.
  • Malaga en Espagne demeure ma chouchoute je dois avouer.
  • J’aime aussi faire une escale dans le sud et pouvoir y dormir une nuit, ce qui est rare pour moi compte tenu de ma séniorité.

 

 

Centre-ville de Prague 

 

Tu as récemment participé avec une collègue au Trophée Roses des Sables, un rallye entièrement féminin au Maroc : qu’as-tu appris de cette aventure?

J’ai participé l’an dernier à cette aventure exceptionnelle avec une amie et collègue de travail.

On a appris à se faire confiance! Et c’est l’une des choses les plus importantes souvent dans la vie. On a atteint certaines de nos limites. On a en aussi dépassées. On a appris qu’on était capable de faire pas mal plus que l’on s’imaginait. On naviguait sans être vraiment certaine, mais en se fiant à nos calculs et à notre intuition, on s’est rarement trompé!

Il y a encore peu de femmes pilotes, t’est-il déjà arrivé de sentir un jugement de la part de tes confrères masculins parce que tu étais une femme?

Très peu. La mentalité a beaucoup changé. Nous représentons 5% des pilotes dans l’industrie en moyenne, mais quand j’ai commencé c’était plutôt 1.5 à 2%.

En début de carrière, j’ai donc été confrontée à des réactions particulières. Une fois, une compagnie ne voulait carrément pas engager de femmes sous prétexte que nous manquions de force physique et émotionnelle!

Un autre employeur pour qui j’ai travaillé pendant onze ans m’avait dit à l’entrevue, on t’engage, mais ne « tombes » pas enceinte! Heureusement, les choses ont changé depuis.

Aujourd’hui, ça me touche quand des passagères ou collègues agentes de bord viennent me dire qu’elles sont très fières de voir une femme piloter l’avion.

Maintenant que tu as été mise à pied comme la plupart du personnel navigant, cela te force à te réinventer, comment comptes-tu y arriver? 

Pour le moment, je suis une formation en réflexologie des pieds et en massothérapie. De plus, je songe à devenir chauffeuse de poids lourd.

 

 

 

Anouk derrière le volant de son camion

 

 

Que peut-on te souhaiter pour l’avenir ? 

L’ultime souhait serait de savoir lorsque je pourrai recommencer à voler. De trouver le courage de passer à travers de cette tempête qui a mis sur pause un métier que je vis avec passion.

 


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