Lettre d’amour à Air Transat
J’ai rêvé que j’étais dans l’avion. J’étais dans l’allée à servir mes passagers. La vue des nuages de par les hublots me réconfortait. Le vrombissement des moteurs était signe que j’étais bien là où je me devais être. Et puis, je me suis réveillée.
Qui rêve à son métier parce qu’il s’en ennuie ? Levez la main !
Je discutais la semaine passée à la plage avec deux autres Québécois. Et oui il y en a bien des Québécois qui ont décidé de rester au chaud à attendre que la tempête passe. Pourquoi s’en passer s’ils le peuvent ?
On discutait d’Air Transat et d’Air Canada. De la transaction. Des mesures contre les voyageurs et de tous ces beaux sujets qui me dépriment d’un jour à l’autre.
À la fin de la discussion, ils m’ont dit qu’ils n’avaient jamais rencontré une personne aussi fière de travailler pour sa compagnie.
Ce soir-là, j’étais la défenderesse d’Air Transat et ce, sans effort, avec toute la fierté du monde et la passion pour mon métier qui transpirait.
Je me suis plus tard demandée qu’est-ce qui s’était passé pendant ces treize années à voler à travers le monde pour l’étoile bleue.
Pourquoi j’étais aussi vendue pour Air Transat?
Qu’est-ce que ma compagnie avait fait pour que ses employés lui vouent une aussi grande fierté?
Je me suis souvenue de mes débuts comme agente de bord. Tout a commencé là, je crois.
Le plus beau voyage, c’est celui qu’on n’a pas encore fait. |
Jamais je n’aurai pensé devenir agente de bord. Ma passion du voyage était évidente et vue par plusieurs ce métier était sans aucun doute celui qui répondrait le mieux à ma soif du voyage.
On me lançait souvent à l’envolée : « Toi qui aimes tant voyager, pourquoi tu ne deviens pas hôtesse de l’air ? »
Je leur répondais toujours que je n’allais pas servir des Pepsis dans un avion. Que j’allais aller à l’université. Si jamais su que j’allais m’amuser autant avec le Pepsi… et surtout le bonheur que ce métier m’apporterait. Je me serais sauvée des années à chercher ma vocation.
On dit que les choses arrivent au bon moment. J’aurai dû attendre février 2007 pour avoir la révélation.
L’ENTREVUE AIR CANADA
Je reçois l’appel d’une amie d’université.
« Je viens d’être engagée pour Air Canada, m’annonce-t-elle. Je ne sais pas trop si je vais accepter, mais j’ai pensé à toi. Ça pourrait t’intéresser !»
J’étais à un moment dans ma vie où je me sentais perdue. J’ai interprété l’appel de mon amie comme un signe et j’ai décidé de me rendre à Toronto pour faire les entrevues.
Mes débuts en 2007
J’avais préparé des questions-réponses et je suis entrée dans le hall du Hilton d’un pas assuré. J’allais obtenir cet emploi.
« Bonjour ! Venez avec moi s’il vous plaît », m’invite l’intervieweuse.
Elle était agente de bord.
En règle générale, ce sont les membres d’équipages qui font les entrevues des futurs agents de bord. On choisit nos collègues, car on arrive à discerner les bons profils avec qui nous pourrions bien travailler.
Pourtant, comme membres d’équipage, cette femme n’avait pas l’air sympathique. Aucun sourire affiché au visage. Une maîtresse d’école qui fait peur avec sa règle en bois. En prenant l’ascenseur avec elle à mes côtés, j’avais l’impression de m’en aller me faire brûler sur le bucher.
Sans vous expliquer de long en large l’entrevue, je me suis fait mettre KO en deux minutes. Ce ne fut pas une entrevue, mais plutôt une course de démolition.
En aucun moment, je ne me suis sentie bien accueillie. Chacune de mes réponses était démolie.
« Ah oui tu as étudié en publicité et ton prof était Monsieur Cossette ? C’est drôle parce que moi aussi et je ne le connais pas… »
Elle voulait bien sûr me déstabiliser.
Au lieu de jouer en équipe, on faisait une compétition. Le contraire de la nature même d’un équipage dans un avion.
AIR TRANSAT EMBAUCHAIT !
J’ai envoyé sur-le-champ mon curriculum vitae.
Lorsque je me suis présentée quelques jours pour tard pour mon entrevue chez Air Transat, c’est là que la fierté a commencé à s’installer.
Le hall dans lequel je suis entrée n’était pas celui du Hilton ou du Sheraton mais bien le grand hall de leur siège social à Montréal.
Un hall lumineux où les sourires affluaient. Mes intervieweurs m’ont accueilli gentiment dans le respect. Et même si je n’avais pas fait l’affaire, on m’aurait traité dans un esprit de collaboration afin de dévoiler ma vraie personnalité une fois le voile de la gêne tombé.
J’ai été vendue à Air Transat direct là !
Mes treize années consécutives à voler sur ses ailes n’ont que renforcé ce sentiment.
Pour plusieurs raisons, je peux vous le confirmer.
Pour mes collègues (dont je m’ennuie tant) qui ont tous été choisis à leur tour grâce à leur personnalité rayonnante qui cadrait l’esprit de l’entreprise. (bon à quelques exceptions près… )
Classe 2007
Pour la liberté qu’on m’accordait à bord. La confiance qui nous était accordée comme employé.
Pour le verre de vin que je pouvais offrir à un passager pour le remercier sans devoir justifier mon acte de gentillesse. (Il avait sûrement changé de place pour accommoder une famille par exemple)
Pour toutes les fois où j’ai été surclassée en classe Club lorsque je voyageais pour le plaisir, car j’étais de la « famille ».
Pour les fleurs que j’ai reçues quand une situation « particulière » nous était arrivée.
Pour le sentiment de sécurité que j’avais lorsque je m’envolais à bord de nos appareils.
Pour nos bons pilotes qui, pour la plupart, avaient volé dans des situations extrêmes dans le Grand Nord du Québec et en avaient vu d’autres.
Pour le naturel de notre président, Jean-Marc Eustache, (et de son équipe) qui nous parle depuis le début de la pandémie afin de nous tenir au courant de la situation. (Merci!)
Comme une histoire d’amour, il y a eu des hauts et des bas. Ça n’a pas toujours été facile. Ma compagnie m’a aussi déçue. Plusieurs fois. Mais chaque fois, la fierté est revenue. Et maintenant plus que jamais.
Je suis si fière d’avoir volé pour Air Transat.
Je ne sais pas si je reviendrai à bord un jour. Si nous devions passer aux mains d’Air Canada. Ou passer à travers cette crise tout court. Mais j’espère au moins que cet esprit d’entreprise ne sera pas perdu.
À tous les membres d’équipages qui ont perdu leurs ailes.
Nous les avons peut-être perdues, mais personne ne nous enlèvera le sentiment de toujours les porter.
Elizabeth xoxo